Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/300

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honte de moi-même et une profonde tristesse. J’étais un idéaliste, et, en outre, j’avais la moitié de son âge. J’étais absurde de croire qu’on peut arranger sa vie comme celle d’un autre. La raison ne s’applique pas sur nous comme un vêtement d’emprunt ; il faut que chacun de nous sache tailler le sien sur son propre individu.

Cet engouement pour Bellamare et cette chimère de vouloir lui ressembler réussirent du moins à engourdir ma passion. Peut-être le rapide et violent passage d’un autre amour en moi, le rêve de l’inconnue, avait-il effacé un peu l’image d’Impéria. Il est certain qu’elle ne me paraissait plus redoutable, et qu’une profonde tendresse apaisa les transports secrets de mon désir. En la voyant si respectée de mes autres camarades, je me fusse trouvé fat de songer à la vaincre. À force de n’y plus songer, je ne le désirai même plus.

Du moins, c’est dans cette disposition d’esprit que je la quittai à Genève. Rentré chez moi, je pensai à elle sans trouble ; mais bientôt il me fut impossible de me dissimuler qu’elle était nécessaire à ma vie intellectuelle, et que je m’ennuyais profondément là où elle n’était pas. Je n’eus pas le