Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/306

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qu’un sens vague et quelque peu fantastique. Mon père a toujours eu la simplicité élémentaire de l’homme entièrement voué au travail manuel, comme à un devoir, comme à une religion dont aucune idée étrangère à ce travail ne peut le distraire sans l’y rendre impropre. Ma mère, qui était très-intelligente, l’avait un peu raillé pour sa crédulité et sa bonhomie. Il le lui permettait et voulait bien rire avec elle, ils s’adoraient quand même ; mais il ne m’eût pas permis de m’apercevoir de son infériorité vis-à-vis de moi. Il voulait que je fusse autre et non plus que lui ; il estimait son état différent, mais égal au mien. Son culte pour la terre ne le laissait pas libre de penser autrement, et au fond il était dans le vrai absolu, dans la haute philosophie, sans s’en douter. Il respectait le beau savoir très-humblement, mais c’était à la condition de faire respecter tout autant la culture du sol. S’il m’en avait détourné, c’est qu’il eût cru, en faisant de moi un paysan, me rendre impropre à la chimérique succession de mon oncle le parvenu.

Quand je lui eus dit que je désirais m’associer à des personnes qui parlaient en public pour s’exercer à bien dire de belles choses, il fut satisfait et ne