Page:Sand - Promenades autour d un village - 1866.djvu/192

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grande terreur, à nous autres, quand le cauchemar ou la fièvre nous présentent leurs fantômes, c’est de perdre la raison, et plus nous sommes certains d’être la proie d’un songe, plus nous nous affectons de ne pouvoir nous y soustraire par un simple effort de la volonté. On a vu des gens devenir fous par la crainte de l’être. Les paysans n’ont pas cette angoisse ; ils croient avoir vu des objets réels ; ils en ont grand’peur ; mais la conscience de leur lucidité n’étant point ébranlée, l’hallucination est certainement moins dangereuse pour eux que pour nous. L’hallucination n’est, d’ailleurs, pas la seule cause de mon penchant à admettre, jusqu’à un certain point, les visions de la nuit. Je crois qu’il y a une foule de petits phénomènes nocturnes, explosions ou incandescences de gaz, condensations de vapeurs, bruits souterrains, spectres célestes, petits aérolithes, habitudes bizarres et inobservées, aberrations même chez les animaux, que sais-je ? des affinités mystérieuses ou des perturbations brusques des habitudes de la nature, que les savants observent par hasard et que les paysans, dans leur contact perpétuel avec