Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/390

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a surtout de la terreur et de la poésie, du savoir et de l’invention. Il fallait tout inventer en effet sur ces âges fabuleux, mais en même temps il ne fallait rien inventer qui ne fût dans la donnée, dans la forme et dans la couleur de la légende.

Grand et aride travail en apparence, travail abondant et facile pour celui qui, nourri d’études substantielles et doué d’une heureuse mémoire, puise dans son propre fonds et y trouve les matériaux tout prêts pour construire en se jouant l’édifice de la fantaisie. La fantaisie ! n’y a-t-il pas un point par lequel elle touche à la connaissance positive, comme la fable confine à l’histoire ? Les mythologues ne sont-il pas déjà des historiens ? S’ils racontent des faits erronés, s’ils affirment des choses impossibles, ne font-ils pas à leur insu le récit fidèle des idées et des émotions que subissait avec eux le monde de leur temps ? La légende est bien la peinture intellectuelle de nos existences, comme les créations de l’artiste sont l’histoire de sa pensée.

Le Coq aux cheveux d’or est la reconstruction de toutes pièces d’un monde qui n’est plus. A-t-il jamais existé, ce monde perdu de l’Atlantide, dont toute l’antiquité atteste la splendeur et déplore le désastre ? Les érudits de nos jours, frappés de la coïncidence de ces chroniques traditionnelles, cherchent encore la trace

    partialité ? On pourrait nous en accuser aussi à l’égard de tout autre livre dont nous aurions à rendre compte, Croira-t-on que l’auteur manque de modestie parce qu’il est content d’avoir notre avis sur son travail ? Il nous semble au contraire qu’il y aurait de l’orgueil de sa part à vouloir s’en passer, et que, de la nôtre, il y aurait une fausse timidité à craindre l’accusation de népotisme littéraire.