Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/200

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romantique, il chantait dans la vieille bonne langue française, dont il a conservé le tour naïf et clair, l’heureuse concision et la grâce enjouée. On a reproché quelquefois avec raison à nos jeunes poëtes prolétaires de manquer de cette originalité qu’on devait attendre de la race nouvellement initiée aux mystères de la poésie. On exigeait de ceux-là, à la vérité, plus que le progrès des idées ne pouvait leur inspirer encore. On voulait des miracles, un langage à la fois énergique et grandiose, des formes toutes nouvelles, un élément inconnu jusqu’ici, apporté d’emblée par eux dans la poésie dès le premier essai. Trop sévères envers eux, on ne se contentait pas de leur voir peindre et manifester leur vie populaire dans un langage extraordinairement pur, élevé et savant par rapport à leur éducation ; on les accusait de se traîner dans la route tracée par les poëtes des autres classes, d’imiter leur manière, de se servir des mêmes formes. Ce reproche n’était ni généreux ni juste, bien qu’à certains égards il fût assez fondé. Il faudrait plus d’espace que nous n’en avons ici pour développer notre sentiment sur cette question, et pour prouver que, si le peuple n’a pu produire encore un génie entièrement neuf, ce n’est point qu’il manque virtuellement de la puissance de le produire. Nous prouverions que le milieu social où il vit lui refuse cette inspiration que n’ont pas encore eue et que n’auront pas de sitôt non plus les poëtes du monde des riches. Mais ce n’est pas ici le lieu de soulever de si chaudes questions : elles seraient hors de place. Magu est un esprit calme, qui se venge de l’inégalité sociale par une malice si charmante, que nul ne peut s’en offenser, et qui se résigne à son sort avec une patience, une modestie et une dou-