Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/201

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ceur pleines de grâces touchantes et fines. Nous aurions donc mauvaise grâce nous-même à secouer sur son chemin paisible la poussière et les cailloux, et à donner pour frontispice à son œuvre une discussion où sa personnalité humble et souriante serait comme défigurée par nos tristes pensées et nos pénibles réflexions.

Cela serait d’autant plus hors de saison que personne n’a pu adresser à Magu les reproches dont nous voudrions excuser comme il convient ses confrères, les nobles poëtes ouvriers. Tout le monde a remarqué, au contraire, que Magu était, dans ses vers comme dans sa vie, un véritable ouvrier ; qu’il ne faisait aucun effort pour parler la langue des hommes savants et que celle des muses naïves lui arrivait toute naturelle, tout appropriée à sa condition, à ses habitudes, à son mode d’existence. La poésie s’est révélée à lui sous la véritable forme qu’elle devait prendre au village, au foyer rustique, au métier du tisserand. Cette muse aimable ne s’est point trop parée, et, comme il est homme de grand sens et de tact parfait, il l’a trouvée belle dans sa simplicité ; il l’a reconnue pour sa véritable lumière ; il l’a accueillie et fêtée d’un cœur hospitalier et reconnaissant. Aussi ne l’a-t-elle pas égaré, et lui a-t-elle dicté des chants si purs et si vrais, que le plus simple paysan de son hameau peut les comprendre aussi bien que les lettrés de la ville. La mère Magu, cette digne femme qui, lorsqu’elle n’était que la cousine et la fiancée du poëte,

… Distinguait bien un œillet d’une rose.
Mais ne démêlait point les vers d’avec la prose,

est aujourd’hui un fort bon juge que son mari aime à