Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/202

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consulter. C’est un grand mérite et un grand art que d’obéir à ce genre d’inspiration qui porte avec soi le don d’initier toutes les intelligences aux grâces bienfaisantes de la poésie.

La vie de Magu a été racontée dans diverses notices biographiques qui ont orné les précédentes éditions de ses œuvres. On peut la résumer en peu de mots. Pendant trois hivers, cet enfant du pauvre reçut au village de Tancrou (canton de Lizy), l’instruction primaire, beaucoup plus humble alors qu’aujourd’hui. L’été il travaillait à ôter des champs les cailloux et les chardons. Dès l’âge de vingt ans, atteint d’une ophthalmie cruelle et devenu peu à peu presque aveugle, il n’en continua pas moins son état de tisserand et sa lecture favorite de la Fontaine dans ses intervalles de santé. Il aima tendrement sa compagne, il éleva une nombreuse famille, et supporta beaucoup de misère. Depuis quelques années seulement il est devenu célèbre sans savoir comment, et en s’étonnant beaucoup que ses pauvres rimes, comme il les appelait, eussent trouvé de nombreux admirateurs et conquis un public. Fêté et choyé dans plusieurs salons de Paris, visité dans sa maisonnette par de beaux esprits et de belles dames, il n’en fut pas plus fier. Plein de goût, de gaieté, de naturel et de droiture, le bonhomme frappa tout le monde par l’entrain spirituel de sa conversation, et par le charme de ses lettres affectueuses et remplies de la divination des véritables convenances. Il ne faut pas voir plus de dix minutes le tisserand de Lizy, pour être convaincu de la supériorité de son intelligence, non-seulement comme poète, mais comme homme de vie pratique. Il n’a dépouillé ni les habits, ni les manières de l’artisan ; mais