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M. Victor Hugo prononçait sa dernière sentence que j’applaudis, comme faisaient les autres. « Heureux, disait-il, le fils dont on peut dire : « Il a consolé sa mère ! » Heureux le poëte dont on peut dire : « Il a consolé sa patrie ! »

Oui, sans doute, cela est beau, et si c’est encore une antithèse, tant mieux ! elle est heureuse. Mais en m’en allant, je me demandais si la mission du poëte se borne toujours et dans tous les temps à consoler, et si parfois il n’aurait pas mieux à faire qu’à prêcher la résignation à ceux qui souffrent, la sérénité à ceux qui ne souffrent pas ; si, en face des iniquités d’une époque comme la nôtre, il n’y aurait pas quelque part un fouet et une verge à ramasser, surtout quand on sait si bien s’en servir pour confondre des ennemis personnels ; si enfin, le voyou, qui arrachait en 1830 un fusil de la main d’un soldat pour chasser une royauté, n’était pas aussi utile à l’humanité que le poëte qui arrangeait un hémistiche pour consoler la monarchie déchue. Bref, je m’en allais, répétant cette parole peu académique :

     Bienheureux les pauvres d’esprit…

2 mars 1845.