Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/282

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C’est là un raisonnement de paresseux, que j’ai fait souvent pour mon compte. J’ai passé ma jeunesse à me révolter contre les noms grecs et latins, et pour n’avoir pas voulu donner, de temps en temps, cinq minutes d’attention au sens de ces noms tirés des langues mortes devenues langues universelles, et par là indispensables à la science, j’ai laissé s’atrophier en moi le sens de la mémoire, si utile, si nécessaire, si agréable dans l’examen de la nature.

Beaucoup de lecteurs à qui je m’adresse sont tombés par leur faute dans la même infirmité. Aussi, disent-ils, après avoir dit comme moi : à quoi bon les noms ? — à quoi bon les classifications ?

C’est là où nous sommes tous vraiment très-coupables et très-ingrats envers le divin auteur des choses ; car sans croire qu’il les ait faites absolument pour nous, nous devrions sentir qu’en nous donnant la faculté de comprendre la richesse et la beauté de son œuvre, il nous a fait un très-beau présent ; etc*est toujours être ingrat et mal appris que de laisser dans un coin, sans y regarder jamais, une magnifique chose qui nous a été magniilquement donnée.

Donc il faut connaître la création, et comme nous n’avons pas les yeux de Dieu pour la voir d’emblée à à la fois dans son ensemble et dans son détail, nous sommes obligés pour la comprendre, de procéder par la synthèse et par l’analyse séparément ; par conséquent nous sommes forcés de diviser et de classer sans cesse, sous peine de marcher à talons et de perdre notre vie entière en de stériles recherches.

La magniiicence de la création consiste dans sa sagesse, dans l’unité de son plan et dans la variété de ses combinaisons. Ces combinaisons ingénieuses, ad-