Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/285

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À MAURICE SAND[1]


Mon cher fils,

Je viens de recevoir pour toi, de notre ami Edmond Plauchut, un magnifique envoi de papillons des îles Philippines.

Autrefois, quand tu étais le disciple de M. Desparelles, tu craignais de nager en pleine mer et de te lancer dans l’étude des exotiques. Depuis que lu en as pris toi-même et que tu as recueilli des larves et des chrysalides dans les forêts vierges de l’Amérique, tu apprécies davantage cette faune éblouissante des régions privilégiées ; et moi, en attendant que tu viennes nommer et classer ces nouveaux arrivants, j’admire et je compare tout ce merveilleux petit monde. Cela donne bien à penser sur ce profond et sublime mystère que tu appelais le rôle du luxe dans la création. Pourquoi en effet cette prodigalité inouïe, presque folle de la nature dans les plus minutieux détails ? Je regarde dans tes collections une Cincide du Brésil, un Yponomente, je crois ? et je découvre, à la loupe, au bas de sa courte jupe plumeuse, une bordure d’anneaux d’or rouge encadrés de noir. Au reste, nos micros indigènes ont aussi de ces coquetteries insensées, presque invisibles à l’œil nu, tu me l’as fait remarquer souvent. Ce que

  1. Cette lettre a paru aussi en 1867 dans : Le Monde des papillons, 1 volume in-4o, par Maurice Sand.