Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/284

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vent éviter de présenter à nos regards. Mais faites attention que notre procédé consiste dans un choix et dans une combinaison d’objets, d’images, d’émotions à votre usage, et que plus vous enrichirez le fond de votre examen positif, plus il vous sera facile d’y puiser à coup sûr, avec discernement, avec ampleur, avec goût.

C’est ainsi que les peintres sérieux apprennent l’anatomie du corps humain, non pour en rendre servilement, hors de propos, toute la musculature, mais pour en accuser les principales beautés, et même pour faire sentir, sous les plis qui les revêtent, la grâce et la logique des mouvements. Plus vous ferez l’anatomie de la nature, plus vous aimerez les œuvres du créateur. Et même, en poursuivant cette analyse dans ses moindres détails, loin de vous sentir rebuté du champ immense déroulé sous vos yeux, vous trouverez chaque jour plus d’attrait et moins de fatigue à le parcourir. Vous vous apercevrez vite que plus on y découvre de richesses, mieux on apprécie chaque pierre précieuse de ce trésor. Vous reconnaîtrez même qu’avant de voir, et qu’avant d’avoir examiné, au moyen de la classification, les espèces et les variétés d’individus, vous n’aviez qu’une vue confuse des différences de formes et de nuances qui caractérisent chaque genre de beauté.

Donc le poëte et l’artiste ne peuvent que gagner dans les études naturelles, et les lois de la vie sont tellement harmonieuses dans leur enchaînement, que, pour bien comprendre l’énigme de la vie humaine, il faut comprendre celle du moindre atome admis au privilége de la vie.

Nohant, 29 décembre 1854.