Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/418

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voulait qu’on devinât les chagrins qu’il cachait, et il s’irritait quand on les avait découverts.

Le romantisme ne l’avait pas rendu exclusif. Il adorait tout ce qui est grand et beau. Nul n’a compris comme lui le Tartuffe de Molière.

Sa mort a caractérisé sa vie ; sa maladie était ce souffle haletant et pénible que l’on appelle l’asthme, et qui était bien sensible dans sa diction nerveuse et entrecoupée. L’émotion l’étouffait, et dans les scènes de passion il avait je ne sais quoi de convulsif et de rentré dans le gosier, qui portait l’émotion du spectateur jusqu’au déchirement. Il semblait que l’air de ce temps fut impossible à respirer à cette noble poitrine.

À la fin, les rôles lui manquaient ; tous les directeurs doutaient de lui.

Quand Paul Meurice et moi lui avons offert son dernier rôle, Sylvain de Bois-Doré, ce ne fut pas sans peine qu’on l’accepta au théâtre de l’Ambigu. Beaucoup de gens disaient avec raison : « Hélas ! prenez garde, il en mourra ; il est fini. »

C’est alors qu’il m’écrivit : — « Je sais ce qu’on vous dit de moi, mon amie ; mais prenez garde ! si je joue ce rôle, j’en mourrai peut-être ; mais si je ne le joue pas, j’en mourrai à coup sûr ! »

On avait pensé à Lafont alors. J’ignore si on avait fait une démarche auprès de lui ; mais devant le cri de désespoir de Bocage, j’insistai. Il joua le rôle, il le joua jusqu’au bout.

Je le vis un soir dans sa loge ; il me dit : « C’est ma fin, mais je tombe au champ d’honneur comme un bon soldat. »

La première représentation avait été pour lui une véritable ovation. Les jeunes gens des écoles et une