Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/138

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esprit de charité, vous et vos pareils s’en trouveront bien.

LE MENDIANT.

Mais, si je m’en trouve mal par exception, c’est donc indifférent à tout le monde ? je ne compte donc pas ? je ne m’appartiens donc plus ? Hélas ! je n’appartenais à personne, et maintenant Dieu même me renie par la bouche du prêtre !

L’ADJOINT.

Ne vous laissez pas attendrir, monsieur le curé. C’est un bavard et un beau parleur, ne l’écoutez pas. Si on les écoutait, il n’y en aurait pas un seul qui ne voulût rester vagabond. Allons, allons, monsieur le gendarme, faites votre devoir, croyez-moi ; nous avons bien assez supporté cette lèpre des campagnes ; nous avons assez vécu dans la crainte, il est temps que cela finisse.

LE CURÉ.

Vous ne parlez pas selon Dieu, mon fils, permettez-moi de vous le dire. Ce n’est pas ainsi qu’il faut envisager la loi. Si elle avait été conçue dans un pareil esprit et dictée par un tel égoïsme, ce serait une loi inique et impie. Mais j’espère qu’il en a été autrement, et que la pitié seule a ému le cœur des hommes en cette circonstance. N’interprétons donc pas ainsi le sens de la loi, ce serait la faire haïr à ces malheureux qui ne la comprennent pas encore, et dont plusieurs la repoussent par antipathie personnelle. Montrons-leur, au contraire, que c’est pour le bien de la morale publique, et dans leur intérêt qu’on met fin à leurs habitudes de désordre.