Je n’ai jamais vécu dans le désordre, et il y en a beaucoup d’autres comme moi à qui l’on n’a rien à reprocher. Je demande la liberté pour ceux-là, je la demande pour moi. Que voulez-vous que je comprenne à votre morale publique, à votre ordre public ? Qui s’est donné jamais la peine de m’enseigner tout cela ? Est-ce que l’on m’a habitué à croire que je faisais partie de la société ? On ne m’a jamais fait ma part de bien-être et d’éducation : on ne se souvient de moi que pour me faire ma part d’esclavage.
Si vous le laissez dire, il va nous prouver que les pauvres ont autant de droits que les riches. Faites-le taire, monsieur le gendarme, et emmenez-le.
Monsieur l’adjoint, n’allons pas plus loin que la loi, et ne faisons pas de l’ordre public un abus de la force. Il n’y a point de loi parfaite ; il n’en est pas, du moins, qui n’ait, dans l’application et le détail, quelque fâcheuse conséquence. C’est aux hommes de bien à aider à l’accomplissement des lois en apportant quelque adoucissement à leur rudesse. Ayons pitié de ceux qui en souffrent plus particulièrement. Tenez, il y a un arrangement facile à faire, laissez approcher ces paysans qui viennent à nous. Venez ici, mes enfants, mes frères, et dites-moi si vous voulez consentir à ce que je vais vous proposer. Voici le père Va-tout-seul que vous connaissez tous et dont personne ne s’est jamais trouvé importuné.