Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/152

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loyauté et en dignité. Mais d’où vient donc ce miracle, et comment un tout jeune-homme, qui raille et dédaigne avec feu les arcanes de la science diplomatique, a-t-il été, par la force même de sa conscience et de son courage, plus habile que tous ceux qu’il a démasqués ? C’est qu’apparemment son livre, quoique hardi et passionné, est empreint de la véritable impartialité. C’est qu’il y a en effet une qualité incontestable qui porte ce nom et qui réside dans les âmes élevées.

Et pourquoi cette qualité dont tous se vantent est-elle si rare chez les historiens ? d’où vient qu’elle est si difficile et si estimable ? c’est que, lorsque l’homme de bien tient dans sa main les preuves du crime, il lui devient difficile de prononcer sans amertume et sans passion. Cette passion est d’autant plus forte que l’historien se sent plus douloureusement indigné, plus généreusement ému. Et c’est alors qu’il est obligé de se faire violence pour vaincre ses dégoûts et pour chercher dans la conscience des coupables les motifs secrets qui peuvent, sinon justifier, du moins atténuer par la pitié l’étendue de leurs fautes. Dans leur vie privée, dans leur éducation première, dans leur entourage, il y a toujours des causes qui expliquent l’égarement de leur âme et de leur esprit ; la fatalité semble les enlacer de liens terribles ; et, dans la pratique même du mal, cette invincible fatalité pousse l’homme fourvoyé d’un premier abîme à une suite d’abîmes toujours plus profonds. C’est là que le philosophe hésite, consterné devant-ces lois du châtiment providentiel, et que, poussé par le cri de son cœur à