Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/157

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minutieux plongeant dans les affaires d’ici-bas. Vous aurez beau labourer et manier cette terre couverte de semences et de débris, vous ne me ferez pas comprendre ce qui germe et ce qui meurt à sa surface, si vous ne faites passer de votre âme dans la mienne le sentiment des lois divines qui président à la vie du grain de mil comme à celle des empires.

Vous donc, jeune historien, qui venez de faire repasser à chacun de nous les émotions et le but de sa propre existence en nous retraçant la vie des nations pendant dix ans, avez-vous rempli votre mission, nous avez-vous éclairé en nous agitant, avez-vous jeté votre œuvre au seuil de l’avenir pour qu’elle y trace un sillon qui ne sera point abandonné ?

Vous nous avez dit pourquoi notre gloire et le génie de Napoléon avaient été frappés de la foudre. Beaucoup nous avaient dit jusqu’ici que le coup était parti du ciel. Mais le ciel ne frappe pas au hasard, et vous nous avez montré l’abîme qui s’était creusé sous les pieds du colosse. Ici le rôle du ciel s’explique, et l’humanité tire d’elle-même un autre enseignement que celui d’une aveugle destinée. Vous nous avez dit pourquoi la Restauration nous avait comblés, et pourquoi, depuis, nous avons été corrompus et avilis. Beaucoup nous disent que c’est pour le mieux, et que la sécurité est au bout de ces honteux sacrifices. Mais la peur est un étrange gage de la force, et vous nous montrez sur quel abîme nous nous sommes endormis. Ici la voix du ciel se fait entendre, et l’humanité en peut tirer un autre renseignement que celui d’une