Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/20

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rôle efficace par lequel la capitale devait féconder la civilisation ; en organisant et en dirigeant le mouvement des provinces. Au lieu de faire refluer sans cesse la vie du centre aux extrémités, cette vaste et terrible capitale est devenue un gouffre où le sang se fige, où la richesse s’engloutit, où la vie se perd. Là devraient bien tendre et aboutir en effet toutes les forces vives du pays ; mais ce serait à la condition que ces forces se reprendraient, si je puis ainsi parler, après s’être retrempées dans le sein de la mère de la patrie (comme disait Jean Ziska de sa vieille Prague), et reviendraient embraser la terre natale de tous les feux épurés et combinés dans le foyer central. Loin de là ! l’avare Babylone dévore ses enfants ; et, lorsqu’elle les rend au sol qui les a produits, c’est après avoir épuisé toute la sève qu’ils lui avaient donnée. Quel homme d’intelligence, savant ou artiste, philosophe ou politique, n’a été jeter sa vie à pleines mains dans ce tourbillon délirant, pour ne rapporter dans sa province que la lassitude de l’action, le dégoût des affaires, la douleur de la défaite, la perte des illusions, une fortune ou une santé à réparer, et presque toujours un profond mépris pour la paisible existence de sa jeunesse, un divorce absolu entre les intérêts de sa province et ceux de son ambition déçue ? Ceux qui prospèrent n’y reviennent pas ; ou, s’ils y reviennent un instant, c’est pour exploiter l’admiration naïve et généreuse de leurs compatriotes, pour en recevoir un nouveau lustre, y puiser de nouveaux moyens d’action à leur profit personnel, et aller dé-