Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/202

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Pologne, qu’il n’ose nommer, et parler avec horreur d’écrits et de personnes dont il craint de paraître le complice. Pauvre pape ! faute de comprendre sa mission réelle, on le met dans de grands embarras, et son cœur est sans cesse aux prises avec sa conscience. Il se fierait volontiers, mais il craint d’être trompé. C’est qu’en effet nous le trompons tous, quand nous disons : « Soyez philosophe, et vous sauverez l’Italie et l’Église. »

Comment voudrions-nous que le pape fût philosophe ? Et, s’il pouvait en avoir la pensée, quelle philosophie voudrions-nous qu’il professât ? Quelle doctrine à l’usage d’un prêtre et du chef d’une Église quelconque, avons-nous prêchée et répandue dans le monde ? Sera-ce le culte de la raison, que notre révolution nous a légué pour toute doctrine ? Mais ce culte de la raison a porté ses fruits, et la raison nous a enseigné l’égoïsme. La raison individuelle nous prescrit de nous tenir tranquilles, de laisser égorger notre voisin, et de ne nous plaindre que si on s’avise de toucher à notre bourse. La raison individuelle nous enseigne que la raison du plus fort est toujours la meilleure ; que, si la Russie hache et dévore la Pologne, cela ne nous regarde point ; et que, si l’Autriche veut opprimer l’Italie, le pape doit fermer les yeux plutôt que de s’exposer à sa ruine. Ne demandez donc point au pape de supprimer ou de soutenir les jésuites ? car lés jésuites sont dangereux, et ils ont prouvé qu’ils pouvaient se débarrasser des rois et des papes philosophes. La raison de chacun chez soi est la plus sûre ;