Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/226

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et rendra les privilégiés d’hier jaloux de se perdre et de se confondre dans les rangs glorieux du peuple !

Pardonne-moi, peuple, de t’avoir trompé. Va, j’étais de bien bonne foi : pouvais-je croire, pouvais-je imaginer seulement, pouvais-je trouver dans mon propre esprit l’idée d’une rancune, d’une ruse, d’une trahison, d’une ingratitude possibles de la part d’un seul de mes semblables après de pareils jours ! Non ! j’aurais cru outrager l’humanité dans mon cœur, en doutant à ce point du retour sincère et complet de tes ennemis.

Eh bien, quelques jours se sont écoulés, et mon rêve n’est pas encore réalisé. J’ai vu la méfiance et l’affreux scepticisme, funeste héritage des mœurs monarchiques, s’insinuer dans le cœur des riches et y étouffer l’étincelle prête à se ranimer ; j’ai vu l’ambition et la fraude prendre le masque de l’adhésion, la peur s’emparer d’une foule d’âmes égoïstes, les amers ressentiments se produire par de lâches insinuations ; ceux-ci cacher et paralyser leurs richesses, ceux-là calomnier les intentions du peuple, faute de pouvoir condamner ses actes ; j’ai vu le mal enfin, moi qui n’avais vu que le bien, parce que j’avais tenu mes regards attachés sur toi ; j’ai vu des choses que je ne pouvais pas prévoir, parce que, aujourd’hui encore, je ne peux pas les comprendre.

Sortons de nous même, pourtant. Essayons de constater et d’expliquer ces choses déplorables. La charité nous commande cet effort si nous voulons être justes, car la justice sans charité n’est plus la justice, et personne ne comprend cela comme toi, peuple aux