Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/322

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héros volent, électrisés par ses vibrations énergiques. Oui, des héros, tous ces petits hommes, pâles encore, mal équipés, tous ces petits Français, dont le corps agile tient si peu de place au soleil, mais dont l’élan miraculeux soulève parfois le monde ; enfants de l’atelier ou de la charrue, ils s’en vont lés yeux encore humides des pleurs du départ.

— Eh mon Dieu, oui ! quitter sa mère, sa fiancée, son champ, ses amis ! quel déchirement, hélas ! Et que nous importe l’Italie ? Que nous ont fait les Autrichiens ? Combien d’années nous allons perdre ! Que de gêne chez nous, où noire travail faisait tant besoin ! Nous reviendrons estropiés, si nous revenons !

» Oui, voilà ce que l’on disait hier ; mais aujourd’hui le drapeau flotte et le clairon sonne ! On se hâte, on s’élance, on arrive ; on sent déjà l’odeur de la poudre, il s’agit d’être le héros ! Eh bien, la belle affaire ! nous y voilà, car nous sommes nés comme cela. Adieu les faiblesses et les attendrissements.

» Il faut se battre ? Bien, allons ! ce n’est pas difficile, et, chose étrange ! c’est une ivresse qui monte au cœur. Qui est-ce qui pleure ? qui est-ce qui tremble parmi nous ? Personne, voyez ! Nous avons le sac sur le dos, nous sommes soldats, nous chantons, nous sommes fiers, nous sommés beaux ; le baptême du sang va laver tout, et l’égoïsme du paysan, et la gaucherie naïve du conscrit, et la légèreté française du. jeune artisan des villes, et même l’inconduite de quelques-uns qui n’étaient bons à rien, disait-on, et qui rachètent ici leurs écarts et leurs foutes par un cou-