Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/52

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ou petits, ne sont pas nos seigneurs féodaux, et si nous ne sommes pas redevenus la gent taillade et corvéable à merci, comme on disait dans mon jeune temps, je m’en souviens encore. Il n’y a plus de châteaux forts, c’est vrai ; mais oh ! que l’argent, le capital, comme on dit au jour d’aujourd’hui, est devenu bien autrement solide pour défendre la caste qui en dispose ! Et comme c’est subtil, comme c’est maniable, comme c’est écrasant, cette monnaie jaune qui permet tout aux uns, et qui défend tout aux autres ! Nous n’avions qu’un seigneur par village, nous en avons dix, vingt, trente, à présent. Ils ne résident pas tous, on ne les connaît pas tous. Il y en a qu’on n’a, jamais vus, qu’on ne peut pas se flatter d’attendrir ou de persuader jamais, car on ne les verra mie. Les uns sont députés pour les riches, et, plaidant auprès de la nation pour les riches contre les pauvres, font grand mal au pauvre, qui ne sait pas seulement leurs noms, et qui n’a pas même, comme au temps d’autrefois, la consolation de maugréer tout bas contre M. le comte ou M. le marquis, seigneur de son endroit. Il y en a qui sont banquiers et qu’on ne voit pas davantage. Ils ont des fonds en circulation dans le pays ; ils règlent le taux des emprunts, ils font que l’argent est cher, et que quiconque est forcé d’emprunter, est bein sûr d’être ruiné. Et en dessous de ceux-là il y a la caste des moyens propriétaires, qui ont tous de l’autorité sur nous, outre celle de l’argent, parce que nous sommes forcés d’en faire nos maires, nos adjoints, nos conseillers municipaux, nos chefs et nos maîtres, pour