Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/104

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éloignés de la discussion politique, c’est parce que nous ne voulions pas avoir à le combattre. Il nous répugnait de protester hautement contre un parti honnête, sincère, et qui devait, un jour ou l’autre, se battre avec nous pour la République contre l’ennemi commun. Nous sentions que la polémique quotidienne entraînait les idées sur le terrain des partis, et cette lutte, sous la monarchie, en présence de geôliers de la pensée, qui se réjouissaient de nos apparentes divisions, nous faisait l’effet d’une bataille entre gladiateurs pour l’amusement du sénat.

Aujourd’hui, enfin, le National se réveille en présence de l’ennemi. Il a marché lentement, mais enfin il est Français, c’est-à-dire loyal et brave, et, quand il se trouve sur le champ de bataille, il monte résolument à cheval. Depuis deux mois, la République lui en a plus appris que dix ans sous la monarchie ; il a fait comme le peuple, il s’est instruit de la réalité ; il a abandonné de vaines discussions sur l’obscurité métaphysique des théories, discussions qui eussent dû se tenir dans le domaine de la critique littéraire et qui ne sont bonnes qu’à amuser les oisifs en temps de paix. Nous n’avons plus de temps à perdre pour combattre et railler tel ou tel livre. Nous n’avons plus celui de rire aux dépens de telle ou telle utopie trop facile à réduire au néant.

Il s’agit de savoir si nous allons céder le terrain aux catholiques, aux légitimistes, aux dynastiques ; car ce sont eux qui menacent le règne de la vérité, et non ces pauvres rêveurs qui, par nature, n’ont