Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/105

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jamais été des foudres de guerre, on le sait bien. Il s’agit encore de résister à un corps d’armée plus puissant que le parti prêtre et le parti monarchique, c’est le corps d’armée des indifférents et des sceptiques, qui, nous le croyons, sont en grand nombre sur les bancs de l’Assemblée nationale. Ceux-là n’ont d’espoir que dans la fatigue et le découragement du peuple, et leur avis est celui de Bertrand : Embrassons-nous, et que cela finisse. Ne leur demandez pas de conduite politique, ni de parti pris. Ils n’en ont d’autre que celui de retourner aux habitudes de toute leur vie, et, comme ces habitudes de bien-être entraînent l’habitude de la misère, de l’ignorance et de la dégradation du prolétaire, ils n’oseront jamais croire à la nécessité d’un changement dans cet ordre de choses. Ces gens-là ne sont ni bons ni méchants, ils ne veulent pas que le pauvre meure de faim à leur porte. Ils lui donnent un sou. S’ils ont des terres, ils font travailler des ouvriers ; s’ils sont industriels, ils emploient des bras et consentent à augmenter le salaire quand ils se voient à la veille d’y être contraints. Ils traitent leurs domestiques avec douceur, ils sont bons maîtres, c’est-à-dire gouvernants naturels dans une société qui ne se composerait que de mendiants et de gagés. Au demeurant, les meilleurs républicains du monde, hommes sages, prudents, qui rassurent toutes les opinions et qui se trouvent, un beau matin, représentants du peuple, par la raison qu’ils n’ont jamais fait parler d’eux.

Le National a compris sans doute que la majorité de