Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/206

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firmer qu’il en sera jamais. Il ne faut prendre l’homme ni absolument tel qu’il est aujourd’hui, car ce serait nier le progrès, ni absolument tel qu’il devrait être, car ce serait trop présumer d’un avenir voilé pour nous. Il faut le prendre tel que nous pouvons raisonnablement le concevoir, même en nous laissant aller à un peu d’optimisme ; c’est la tendance des âmes aimantes : il ne faut point que cette tendance dégénère en folie.

Nous ne pouvons donc affirmer dogmatiquement que les hommes arriveront un jour à une telle unité de vues, à un tel accord de raison et de sentiment, qu’une religion puisse s’établir parmi eux sans rencontrer de dissentiments et de résistances. Aussi loin que nos regards peuvent porter, nous voyons le principe de la liberté humaine indissolublement basé sur le principe de la liberté de conscience. Toute religion étant une idée plus ou moins absolue, nous ne voyons donc pas qu’il soit possible d’identifier la loi sociale à la loi religieuse, la politique à la philosophie, car ce serait la destruction de la liberté humaine. Que la religion, l’idéal servent de base et même de but au législateur, il le faut ; autrement, la loi est athée, et la société le deviendra ; mais il y aura toujours (les conservateurs l’ont dit eux-mêmes et avec raison) une distinction essentielle à maintenir entre la loi divine et la loi humaine.

La religion est, de sa nature, une libre inspiration de la conscience individuelle, et, s’il plaît à la conscience individuelle de s’imposer une croyance abso-