Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/210

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bien peu de chose s’il n’avait pour organes que des romans et des essais de ce genre. Le communisme est une idée aussi ancienne que le monde. C’est une des deux faces de la vérité. Il est le côté d’une idée dont une moitié du monde n’a jamais voulu regarder que l’autre côté. Voilà pourquoi il n’a point encore trouvé sa formule. Voilà pourquoi, tant qu’il ne l’aura pas trouvée, il pourra faire des adeptes à l’état d’idée religieuse, et ne pourra constituer une société.

S’il est une religion, j’y adhère de toute mon âme. Si je suis riche, tout ce dont je puis disposer est à tous ceux que je puis aider. Si j’ai peu, ce peu, j’en ferai le même usage relativement. Ma conscience et l’Évangile, qui est pour moi le plus beau des enseignements divins, me le commandent ; et c’est précisément parce que je possède quelque chose que j’ai le devoir d’être communiste. Mais, si le communisme est une société, je m’en retire, parce que je me vois aussitôt forcé d’être en guerre et en lutte incessante avec tous ceux de mes semblables qui ne reconnaissent pas l’Évangile, et me voilà obligé d’être leur persécuteur et leur oppresseur au nom de l’Évangile, c’est-à-dire de recommencer l’œuvre de Dominique, le brûleur d’hommes et de livres. Or, je ne conçois pas l’établissement d’une société pareille, et c’est pour le coup que je demande à me réfugier en Icarie, ou, du moins, quelques hommes sont probablement d’accord sur quelques points[1].

  1. Et pourtant, comme, dans le moment où nous vivons, on parle encore, dans les provinces, de pendre et de brûler les commu-