Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/28

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sont pures et inoffensives. La société qui proclamera la liberté absolue des croyances n’aliénera point pour cela son droit, son devoir de haute tutelle et de saine police sur la pratique des croyances individuelles. Si Fourier revenait, sous la République, inaugurer son idéal des bacchants et des bacchantes, nul doute que le citoyen Caussidière n’eût le droit et le devoir d’intervenir pour modérer les orgies de la secte. Mais toutes les fois qu’une secte ne portera atteinte ni à la morale ni à la sécurité publique, elle aura le droit d’exister, et lui susciter une persécution de fait serait indigne du régime de tolérance véritable où nous devons entrer.

Mais ce que nous combattons, c’est le démon de l’orgueil qui s’est jusqu’à présent glissé dans les sectes, et qui a rompu le pacte de famille entre elles et la société. Un catholique n’a jamais voulu qu’un protestant fût aussi avant que lui dans les bonnes grâces du ciel. Allons-nous donc recommencer ces vieilles, ces misérables querelles de religion ? Le conformiste va-t-il être un sujet de scandale pour le non-conformiste ? Allons-nous avoir des puritains et des presbytériens ? Avec les noms qui changent, l’esprit des sectes ne va-t-il donc point changer ?

Tout cela nous paraît bien nécessaire à dire dans ce moment-ci, à propos d’un fait qui a mis Paris en émoi, dans un émoi presque ridicule le 16 avril dernier. À propos de quelques noms propres, on se fût égorgé entre frères, si nous eussions été au moyen âge. Une portion du peuple, armée et bouillante de courage,