Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/44

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lysé le bras du soldat au 24 février, pour se dire qu’un soldat de la ligne était un citoyen français tout pareil à un garde national de Paris ou de la banlieue. Mais on pouvait encore se dire : « Pourquoi cet appareil de guerre lorsque l’ennemi n’est point à nos portes, et que les nations étrangères ne songent pas à nous combattre, mais à nous imiter ? Pourquoi habituer le peuple à ne marcher qu’avec un fusil au bras ? Les manifestations sans armes ne seraient-elles pas plus belles, plus humaines, plus dignes, plus conformes à l’esprit d’une civilisation avancée ? Depuis le 24 février, le peuple s’est montré par grandes masses, une première fois au 17 mars, et il est venu là sans armes, avec la seule force morale, expression plus puissante que celle de la force armée. Le 16 avril, un malentendu déplorable a failli gâter l’attitude de ce généreux peuple. Il s’est fractionné en apparence, et le fusil s’est montré sur la place publique, comme une idée aux prises avec une autre idée. Désormais le peuple pourra croire que, sans son fusil, il n’est rien, et que la force morale ne lui suffit pas. Au 20 avril, nous le voyons arriver pour la troisième fois, et il est armé comme pour la guerre civile. La ligne et la garde nationale, Paris et la banlieue, les différentes légions de la garde nationale elle-même, sont des éléments divers qui vont peut-être représenter des principes différents, et qui vont se toiser, fièrement en passant, l’arme au bras, à côté les unes des autres. »

Voilà ce que pensaient les esprits philosophiques, qui sont toujours des esprits un peu inquiets. Ils crai-