Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/43

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proclame la liberté et l’amour fraternel à la face de Dieu qui reçoit son serment, quand elle chante en chœur l’hymne de l’amitié sainte entre tous les hommes, où sont donc ceux qui pourraient protester contre un pacte scellé avec Dieu même ? Ceux-là mêmes n’existaient plus aujourd’hui. Ils étaient vaincus. Ils criaient malgré eux avec le peuple et comme le peuple. Demain peut-être, ils essayeront de redevenir ennemis. Aujourd’hui, ils ne l’étaient pas, ils ne pouvaient pas l’être. Il y a des jours comme cela dans l’histoire, où le mensonge dit la vérité, où la haine se met à aimer, où celui qui voulait le mal est forcé de désirer le bien.

Peuple, donne-nous souvent de pareilles fêtes. Elles sont une grande leçon pour l’humanité, une grande manifestation de la Providence. Ton instinct prodigieux du beau et du juste sera toujours là pour trancher toutes les difficultés et aplanir tous les dangers. Ainsi dans la fête de la fraternité, un fait s’est produit sur lequel personne n’avait compté et qui a donné un caractère sacré au pacte de la famille républicaine. Voici ce fait, dont le sens profond ne saurait être trop médité par les esprits sérieux.

Les esprits sérieux occupés de rechercher la portée philosophique des grands faits humains, pouvaient, au début de cette journée, s’effrayer un peu de la tournure exclusivement militaire qu’elle allait prendre. On savait bien que le peuple et l’armée allaient se réconcilier franchement. Us l’étaient d’avance. Il suffisait de comprendre le mouvement fraternel qui avait para-