Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/56

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plus gros qu’on ne fait aux riches : nous payons à proportion du risque qu’on court à nous prêter. Ce n’est pas nous qui trouvons de l’argent à cinq. Quand nous le trouvons à dix, nous sommes contents ; et, quand nous le payons quinze, nous ne nous plaignons pas encore beaucoup. C’est pour nous que l’usure a été inventée, et c’est à son moyen qu’on est sûr de nous ruiner par le menu.

Pour les affaires de ménage, c’est encore de même : celui qui a du bien fait sa provision dans le bon temps. Quand il a l’argent en main, il achète le blé, le vin et tout ce qui peut se conserver, dans le moment où le prix est abordable. Pour nous, c’est le contraire ; nous achetons quand nous pouvons, et, si cela tombe dans le moment de la hausse, tant pis pour nous ; ce moment là arrive toujours pour ceux qui se fournissent de tout en détail et au jour le jour. Nous avons bien vu ce qui en était l’an dernier !

Ainsi, plus nous sommes pauvres, plus nous sommes condamnés à le devenir, et l’impôt n’a pas de proportion vraie ; c’est une chose qu’il faudrait changer.

Voilà pour nos droits, pour la vérité et pour la justice ; mais, quand la maison brûle, s’amuse-t-on à faire le compte de ses meubles ? La monarchie nous a laissé une dette publique en aussi bel état qu’une maison où est l’incendie. Est-ce dans ce moment-là que nous aurions pu changer l’assiette de l’impôt, si nous avions pris la gérance de la République tout d’un coup dans nos mains ?