Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/221

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D’un autre côté, l’Allemagne du Sud, y compris la Saxe et le Hanovre, est profondément travaillée par l’esprit démocratique et le besoin de réformes sociales. Cet esprit démocratique, ce besoin, ne sont pas comme en France un simple instinct, le produit d’une nécessité, c’est aussi la résultante de méditations — vagues encore, je le reconnais — mais qui doivent à un moment donné se traduire par des efforts dont la Révolution de 1789, révolution que l’Allemagne n’a pas encore eue et doit avoir, peut vous donner une idée. C’est alors que nous verrons aux prises la féodalité, œuvre du passé, et la démocratie, nécessité du présent.

Si la France sait se taire, se résigner et attendre, elle peut, par le jeu des qualités qui lui sont propres, reprendre cette supériorité qu’elle a trop souvent demandée à la force brutale. Car, il faut l’avouer, hélas ! ce que la Prusse fait à cette heure en France, la France l’a fait au commencement du siècle pendant quinze années en Europe.

Écrivez-moi et croyez à ma profonde affection.

H. HARRISSE.

P.-S. — Peut-être vous dirai-je dans ma prochaine épitre ce qu’il y a à faire et comment l’Assemblée de Bordeaux peut remettre la France sur ses jambes. Dumas est venu passer deux jours à Paris, mais je ne l’ai pas vu.


Enveloppe adressée à :

Monsieur Cadol[1]
16, rue Laval. En ville.

Sur le cachet : Paris 1re — 12 février 1871 — Boulevard Malesherbes — Écriture d’Henry Harrisse.

  1. Édouard Cadol, littérateur, ami de Maurice Sand.