Page:Sand - Tamaris.djvu/107

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dans les ports, et, sur les côtes, on n’en peut prendre qu’un seau de temps en temps ; encore ça pourrait être empêché, si on voulait. Soyez tranquille ! quand je vois arriver un baquet, je crie après les hommes du poste. « Est-ce que vous dormez ? que je leur dis. Faites donc votre ouvrage, et gardez l’eau du gouvernement. »

La marquise s’abstint de toute réflexion, et, voulant s’instruire avant de juger, elle reprit :

— Alors c’est par dépit contre votre zèle de bonne gardienne que l’on vous traite de Zinovèse ?

— Oui, et parce qu’ils appellent Génois tous ceux qui ne sont pas d’Hyères ou du côté de Marseille. Ils sont si bêtes par ici ! D’ailleurs, il y a encore autre chose !

— Oui, vous étiez la reine du pays, n’est-ce pas ?

— Ah ! vous avez entendu parler de moi ? dit la Zinovèse en se redressant avec orgueil et en perdant pour un instant sa livide pâleur. Eh bien, c’est comme ça. Vous êtes jolie, tout à fait jolie, vous pensez ? J’ai été encore plus jolie que vous, et je n’aurais pas changé ma figure pour la vôtre il y a dix-huit mois ; mais la fièvre est venue, et vous voyez comme elle m’a menée ! Me voilà maigre, vilaine et vieille à vingt-six ans. Croyez-vous que ça fait plaisir à mes ennemis ! Oh ! si je peux en réchapper… Mais je ne pourrai pas, et je vois bien que tout est fini !