Page:Sand - Tamaris.djvu/198

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il nourrissait l’espoir d’une haute position, il tenait à ce que son salon ne désemplît pas. Il trouvait que sa femme en faisait parfaitement les honneurs, et lui permettait ainsi de mener de front ses intérêts et ses plaisirs. La révolution de février le surprit au milieu de ses rêves et lui porta un coup mortel. Il perdit tout à coup l’énergie factice qui avait soutenu son activité. Il essaya d’être républicain sans conviction ; il perdit la tête, il tomba malade, et du jour au lendemain le vieux beau devint un vieux laid, cacochyme, irrité, quinteux, despote insupportable, maniaque, malheureux, et voulant que personne ne fût plus heureux que lui. C’est la fin de ces hommes qui n’ont pas assez de cœur pour faire pardonner leurs vices ; mais ces fins-là ne finissent pas toujours assez vite ; le marquis a langui plus de six ans sans pouvoir ni vivre ni mourir. Sa femme a tout supporté avec un dévouement et une patience inaltérables. En dépit de ses efforts pour se rattacher au gouvernement nouveau, le marquis s’est vu abandonné de tous ceux qu’il avait caressés tour à tour sous les deux régimes précédents. Il s’est acharné à ne pas quitter Paris, espérant être quelque chose, avoir une influence quelconque, jusqu’à son dernier souffle de vie. Malgré les soins de la marquise pour lui conserver quelques relations capables de le distraire, comme il n’avait jamais eu d’amis sérieux, la solitude s’est faite autour de lui.