Page:Sand - Tamaris.djvu/223

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pour moi ; c’est une divinité ou un démon. Elle me glace et me pétrifie. Dès qu’elle a le dos tourné, je brûle, j’enrage, j’ai des torrents d’éloquence à mon service ; mais, si personne ne m’aide, si je n’ai pas d’amis, de bons et vrais amis pour lui expliquer mon mutisme d’imbécile, pour lui dire que je ne vis plus, que je ne travaille plus, que je n’ai plus ma raison, que je suis capable de manquer à tous mes devoirs, de me faire casser la tête pour un mot, enfin que je suis digne de pitié et hors de moi, jamais elle ne saura que je l’aime !

— Alors voici la question, répondis-je, ému de son désespoir, mais non convaincu par son raisonnement : il faut que le baron, Pasquali ou moi, nous nous chargions de faire ta déclaration ? Est-ce sérieusement que tu nous demandes de jouer un pareil rôle ?

— Attends donc, attends donc ! dit en s’adressant à moi Pasquali, qui écoutait tout cela en comptant d’un air abasourdi les bouffées de sa pipe, on sait bien que tu es trop jeune pour porter la parole ; mais le vieux baron ? Il ne s’agit pas ici d’une déclaration d’amour en l’air. Quand on s’adresse à une femme honnête et respectable, c’est une supplique en vue du mariage, et, ma foi, toute réflexion faite, la Florade est bien posé pour son âge ; il est homme d’honneur, il ne sait pas si madame Martin est riche ou pauvre, dûment ou indûment titrée…