Page:Sand - Tamaris.djvu/256

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rade ? À quoi bon ? J’étais si heureuse et si tranquille ici ! Voilà tout mon bonheur gâté !

En disant cela, la marquise n’avait pas perdu cet accent de douceur que la plainte et le reproche ne pouvaient aigrir ; mais elle ne retenait plus ses larmes, et je les vis couler jusque sur son corsage de soie. Je perdis la tête, je tombai presque à ses genoux sur le gazon, et, prenant ses mains dans les miennes, je lui parlai, pleurant aussi, sans trop savoir ce que je lui disais ; mais je me rappelle bien le sentiment de douleur, de tendresse et de pitié qui débordait en moi. Elle l’aimait, celui qu’elle maudissait avec une colère de colombe, celui qui avait détruit la paix de son âme angélique, celui qui attirait l’orage sur sa tête, ou tout au moins la terreur sous son toit. Elle l’aimait, elle souffrait par lui, pour lui peut-être ; elle ne savait à quelle inquiétude s’arrêter entre son fils et lui. Aux combats qu’elle avait dû se livrer déjà venait se joindre l’effroi de le perdre ou le chagrin mortel de le quitter. Elle avait fini d’être heureuse, elle entrait dans la vie d’émotions, de périls et d’angoisses ! Il n’était plus temps de chercher à la préserver des tempêtes. Je ne le pouvais ni ne le devais d’ailleurs. Comprit-elle ce scrupule qui m’échappait sans doute sous forme de réticence ? — Mais, qu’elle fût ou non blâmable de n’avoir pas mieux défendu son bonheur, et peut-être celui de son fils, était-ce une raison pour qu’elle fût abandonnée dans sa dé-