Page:Sand - Tamaris.djvu/286

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pas, et, vers six heures du soir, elle expira sans en avoir conscience.

Estagel revenait quand je le rencontrai en sortant de la maison et conduisant les deux petites filles loin de l’affreux spectacle de cette mort désespérée.

— Tout est fini ? dit le brigadier en recevant les enfants dans ses bras.

— Oui, occupez-vous de ces chères créatures-là. C’est pour elles qu’il faut vivre à présent. Elles n’ont pas été heureuses, vous leur devez tout votre cœur et tout votre courage.

— Bien ! répondit-il ; mais j’ai quelque chose à faire, et je ne pourrai penser aux enfants que demain. Faites-moi amitié et charité de chrétien jusqu’au bout. La dame de Tamaris est bonne et sainte femme ; conduisez-lui mes filles pour vingt-quatre heures. Moi, je veux ne penser qu’à ma pauvre ! Je veux l’ensevelir moi-même et la pleurer tout seul. Après ça, j’aurai du courage, et j’irai chercher les enfants.

Estagel avait les yeux secs et la parole plus brève que de coutume ; mais il avait retrouvé sa volonté et sa présence d’esprit. Je partis avec les enfants, Marie pleurant en silence et me suivant avec résignation, Louise accablée dans mes bras et dormant la tête sur mon épaule.

J’allai ainsi jusqu’aux Sablettes, où je vis la marquise, qui venait à ma rencontre avec Paul et Nicolas.