Page:Sand - Tamaris.djvu/37

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administration, aucun gouvernement, même celui-ci, n’a eu l’idée d’acheter ces vingt mètres de terrain, de les enclore, de tracer un sentier pour y conduire, et de planter là une pierre avec ces simples mots : Ici reposent les hommes sans peur ! — Ça coûterait peut-être cinq cents francs ! — Ma foi, si je les avais, je me payerais ça ! Il semble que chacun de nous soit coupable de ne l’avoir pas encore fait ! Quoi ! tant de braves sont tombés là, et l’écriteau prestigieux qui les clouait à leurs pièces n’est pas même quelque part dans l’arsenal ou dans le musée militaire de la ville ?

— Ah ! qui sait, lui dis-je, si, en présence d’un monument fréquenté par les oisifs, le charme serait aussi vif que dans la solitude ? Je ne peux pas vous dire l’émotion que j’ai eue là. Je reconstruisais dans ma pensée une série de tableaux qui me faisaient battre le cœur. Je rétablissais la petite redoute, je revoyais les vieux habits troués des volontaires de la République, et leurs armes, et leurs groupes pittoresques, et leurs bivacs, et la baraque des officiers peut-être la palombière qui est là auprès dans une petite clairière gazonnée.

— Et lui ! s’écria la Florade, l’avez-vous vu, lui, le petit jeune homme pâle, avec son habit râpé, ses bottes percées, ses longs cheveux plats, son œil méditatif, son prestige de certitude et d’autorité déjà rayonnant sur son front, et cela sans orgueil, sans