Page:Sand - Tamaris.djvu/94

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s’y opposaient. Elle avait tant de calme dans l’esprit et dans le cœur, qu’elle n’admettait pas sans peine le soupçon. Elle se croyait vieille parce qu’elle avait trente ans, et ne supposait pas, d’ailleurs, qu’un homme raisonnable pût s’éprendre d’une femme qui ne voulait pas aimer. Elle consentait donc à se garer des apparences quand on appelait son attention sur le danger des mauvais propos, parce qu’elle n’avait nullement le goût des bravades, et qu’elle voulait passer désormais inconnue ou inaperçue dans la vie ; mais, à force de le vouloir, elle s’y croyait déjà arrivée, et il lui était difficile de se rappeler à tout instant ce qu’il fallait faire pour cela. Cet oubli de sa personnalité la rendait adorable. Il semblait qu’elle ne sût pas ce qu’elle était et ce qu’elle valait. Je n’ai jamais vu de femme plus détachée d’elle-même. Que s’était-il donc passé dans sa vie ? quelle sagesse ou quelle vertu avait-elle donc étudiée pour être ainsi ? La forêt était très-belle. Cette salle de fête que chaque année les pieds de la foule privaient d’herbe et préservaient de broussailles était jetée sans forme déterminée sur une pente largement dessinée et sur un fond de ravin nivelé naturellement. Des pins élancés, droits comme des colonnes, couvraient d’ombre et de fraîcheur le vallon et la pente. Tout au fond, et rasant le bord de l’autre versant, coulait un petit ruisseau. Une profonde clairière traversée d’un chemin sinueux, s’ouvrait à notre droite, et