vaise foi de ces jugements inconciliables, vous chercheriez Molière dans Molière.
D’abord, peut-être dans ses entretiens avec ses amis, qui certes, n’ont pas su rapporter ses propres paroles, mais qui ont, au moins, Chapelle surtout, traduit d’une certaine façon sa pensée, et, enfin, vous reviendriez à Alceste. Vous le reliriez pour la millième fois, mais avec une lumière nouvelle, et vous y verriez la rigidité et la douleur de Molière honnête homme ; la jalousie, la passion, la faiblesse et la force de Molière amoureux ; la miséricorde, la tendresse, la douceur de Molière généreux et bon. Tout cela est dans le Misanthrope. Armande y est tout entière aussi avec sa froideur, sa moquerie, sa vanité, son ingratitude, sa sagesse même ; car, pour moi, Armande est sage, plus sage encore que Célimène. Il y a autant de témoignages en faveur de cette froide vertu qu’il y en a contre, et le témoignage concluant, c’est celui de Molière dans son entretien avec Chapelle, et dans toutes les occasions de sa vie où il a eu occasion de parler de sa femme.
Quoi ! à supposer que je me trompe, l’opinion de Molière sur son propre amour serait sans valeur et ne mériterait pas d’être préférée à celle des pamphlétaires de son temps ! c’est un caprice, une fantaisie de ma part d’avoir cru Molière plus clairvoyant et plus véridique que ses détracteurs, ses envieux, ou même ses amis ! La ténacité de son amour, la douleur qui le tue, ne sont-elles pas, d’ailleurs, des preuves sérieuses pour qui regarde sérieusement le caractère de cet homme si sérieux ? On a vu, on voit, je le sais, de grands esprits et de grands cœurs être dupes ; mais est-ce une nécessité qu’ils le soient et n’y a-t-il pas plus de chances pour qu’ils soient justes et lucides ? Moi, je crois que Molière eût méprisé et oublié une femme dissolue ; je crois qu’il a pu estimer la sienne, qu’il n’a souffert que de son ingratitude, de sa coquetterie, de ses travers, de sa sécheresse, et que c’en était bien assez pour le tuer.
Ce n’est pas mon œuvre littéraire que je défends ici, je le répète : je ne suis pas sujet à ce genre d’acharnement. Je dé-