Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/343

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laisser ici ma bourse en payement de mon pillage : je l’ai offerte à votre camarade, qui n’a voulu entendre à rien. Il a la tête un peu chaude.

MOLIÈRE, se rapprochant du cavalier, qu’il examine avec surprise et qu’il amène peu à peu sur le devant du théâtre dans un aparté complet.

Il est le plus doux et le meilleur des hommes, mais fier et très-brave, et ce caractère-là n’a rien qui vous doive surprendre ; car vous-même…

LE CAVALIER.

Eh bien, quoi ? Pourquoi me regardez-vous ainsi ?

MOLIÈRE.

Parce que je veux mourir, ou je vous connais !

LE CAVALIER, baissant la voix, mais d’un ton absolu.

Vous vous trompez ! vous ne me connaissez point.

MOLIÈRE.

Ce ton absolu, ce regard d’aigle, cette crinière de lion ! Oh ! pardonnez-moi, monsieur, je vous connais fort bien, et qui vous a vu une fois ne saurait vous oublier. (Haut.) Brécourt, je connais monsieur. C’est un galant homme un peu prompt. J’ai à lui parler. Servez le déjeuner, mes enfants, et mettez un couvert de plus.

Les autres personnages s’occupent, vont, viennent, sortent, rentrent, au fond du théâtre.
LE CAVALIER.

Vous me connaissez, dites-vous ? Eh bien, le mensonge me répugne, et, même pour sauver mes destinées, je ne saurais m’abaisser jusque-là. Voyons, que comptez-vous faire ? (Il se retourne et regarde derrière lui.) Vous voilà trois hommes contre un ; mais vous devez savoir que, fussiez-vous dix, vous n’auriez pas bon marché de moi.

MOLIÈRE.

Fussions-nous vingt peut-être, je le sais. Ayez cependant assez bonne opinion de moi pour croire que je cède au respect beaucoup plus qu’à la crainte ; croyez aussi, monsieur, que ce n’est point votre rang qui m’éblouit, mais que c’est au