Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/344

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génie, à la vaillance, au malheur peut-être, que je me sens porté à rendre hommage.

LE CAVALIER.

Le malheur ? Oui ou non ! qui sait ? Dieu est le maître. Vous, monsieur, vous me paraissez être homme de sens. Gardez-moi le secret, et comptez que, si je triomphe, vous en serez un jour grandement récompensé.

MOLIÈRE.

Monsieur, encore que le roi ne m’ait pas donné charge de garder son royaume, je pourrais m’emparer de votre personne par la violence (le cavalier sourit), ou par la trahison. (Le cavalier tressaille.) Quant à la violence, je ne puis me défendre d’un grand respect pour votre personne ; et, quant à la trahison, monsieur, regardez-moi, et voyez si vous m’en croyez capable.

LE CAVALIER, après une pause, pendant laquelle il le regarde.

Jamais homme ne fut pourvu d’un plus mâle et plus honnête visage ! Je me fie à vous.

MOLIÈRE.

Et vous faites bien. (À ses camarades.) Allons, amis, à table, à table ! (Au cavalier.) Ceci est une métaphore : chacun fait ici comme il peut, et vous savez mieux que nous comment on vit en campagne.

BRÉCOURT, au cavalier.

Monsieur a donc gagné son procès ? Allons, puisque vous êtes ami de Molière, touchez là : je regretterais de vous avoir gâté.

Ils s’asseyent, les dames sur des coussins, les hommes sur des souches ou des pierres qu’ils ont disposées autour du panier, qui sert de table pour porter les viandes, fruits et bouteilles.

MOLIÈRE.

Monsieur est homme de qualité : je n’ai point l’honneur d’être son ami ; mais j’ai eu celui de le voir à la cour, où j’étais, par hérédité de fonctions, attaché à la personne de Sa Majesté Louis XIII.