Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/398

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BARON.

Vous le demandez ?

ARMANDE, riant.

Je comprends ! ah ! la belle idée que vous avez là !… le prince de Condé… Laissez-moi rire… Je savais bien qu’on le disait ; mais je ne supposais point que cela fût pris au sérieux quelque part, et ici surtout !

BARON.

Vous êtes gaie !

ARMANDE.

Oui, vraiment : je suis d’une charmante humeur.

BARON.

Elle rit !… et Molière dévore ses larmes ! elle rit !… et ici l’on ne dort point ! elle rit !… et l’on se meurt de chagrin pour elle !

ARMANDE.

Allons donc ! ne sais-je pas bien que, si l’on veille ici, c’est à table, en compagnie de bons vivants qui sortent de la maison en battant la muraille ? Vous me voulez faire accroire que mon mari se consume dans les larmes, quand il se dispose à aller jouer le Tartufe, et à recueillir des applaudissements qui lui feront fort bien oublier sa jalousie ?

BARON.

Vous ne croyez point aux peines que vous ne partagez pas ! c’est le propre des cœurs ingrats et froids.

ARMANDE, après une pause, pendant laquelle elle l’examine.

Monsieur Baron, vous plairait-il de me dire où vous prenez le droit de me faire des remontrances et de m’adresser des injures ?

BARON, troublé.

Dans ma sollicitude, dans mon attachement pour Molière.

ARMANDE.

Si vous n’avez pas d’autre raison à me donner d’une si forte insolence, je vous avertis que je ne m’en saurais payer. Cherchez-en quelque autre qui me puisse faire excuser vos emportements.