Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/139

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ment que vous trouvez à vous promener encore dans les jardins de la villa Sbrufadelli !

ISABELLE.

Où veux-tu que je me promène, ma pauvre Colombine ? C’est ici le lieu de plaisance le plus rapproché de la ville, et ce beau jardin me représente des jours de fête, dont il ne m’est pas aisé de perdre le souvenir.

COLOMBINE.

Chassez-moi ces idées noires, ma belle maîtresse ; le fils aîné du prétendu marquis de Sbrufadelli était un galant libéral, j’en conviens ; mais il ne vous eût jamais épousée, et il est temps de viser au solide. Puisqu’il a eu la maladresse de se laisser choir, avec toute sa famille, au fond de la Brenta, faites-en votre deuil en un tour de main, et songez à le remplacer par quelque meilleure dupe.

ISABELLE.

Que tu parles facilement de retrouver un riche parvenu à qui, grâce à de certains airs, on puisse faire avaler tant de choses !

COLOMBINE, soupirant.

Hélas ! mademoiselle, est-ce que moi-même… ?

ISABELLE.

Il est vrai que Pascariel te tenait au cœur, et que le pauvre diable a péri comme ses maîtres.

COLOMBINE.

Je n’ai pas tout à fait perdu l’espérance qu’il se soit sauvé, puisqu’on n’a point repêché sa carcasse avec celles des autres. Il n’y a point d’apparence que les poissons en aient fait un grand régal, car, de la tête aux pieds, ce n’était rien qui vaille ; mais il s’entendait à acquérir de l’argent, et j’en eusse fait mon homme d’affaires. Eh bah ! madame, rentrons à Bassano. Au moins, on y voit du monde, et ce lieu-ci est devenu une solitude bonne pour donner des vapeurs.

ISABELLE.

Attendons encore un peu. J’espère que l’héritière arrivera aujourd’hui.