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Scène VIII


HERMAN, MARIANNE.


HERMAN.

Pardon, Marianne, j’avais vu sortir Anselme, je croyais pouvoir…

MARIANNE.

Reprenez possession de vos appartements, monsieur, et reprenez aussi cette lettre, que ma fille m’a remise sans l’ouvrir. Je l’ai ouverte, moi ; mais je ne l’ai pas lue. En voyant la signature, j’ai pensé que vous vous étiez trompé, et qu’une distraction vous avait fait écrire le nom de Juliette sur l’adresse.

HERMAN.

Non, madame, non ! Il faut que vous la lisiez, cette lettre, car je vois bien que vous m’accusez d’une trahison. Oh ! mon Dieu ! quand je vous vénère, quand mon amour pour Juliette est tout mon avenir, toute ma vie ! J’espérais si peu le voir partagé, que je n’aurais jamais osé m’adresser à vous sans son consentement ; demander officiellement la main d’une jeune fille qui ne vous a encouragé ni par un mot ni par un regard, cela m’a toujours paru un acte de présomption qui doit la blesser. Il me fallait ce regard ou ce mot, que vingt fois j’ai été sur le point d’implorer ! Eh bien, j’ai manqué de courage ; et c’est parce que ni ma bouche ni mes yeux n’ont pu se décider à parler, que ma main s’est permis d’écrire… Ah ! madame, ce billet, que vous regardez comme une insulte, c’est un cri d’angoisse… de peur… presque de désespoir ! Vous ne voulez pas qu’elle l’entende ? Eh bien, daignez alors plaider ma cause. Dites-lui que je ne cède pas à un moment d’enthousiasme, mais à une passion vraie ; dites-lui que j’aime tout en elle, sa modestie, ses malheurs, sa famille ; que le rêve de ma vie est de me consacrer à vous tous, et de faire que l’illusion de maître Favilla n’ait pas de réveil amer !…