Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/36

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êtes fier, vous êtes brave, vous ! soyez généreux, sauvez-moi ou tuez-moi !

BERNARD.

Vous sauver ?… On ne sauve personne ici, c’est impossible ! Vous tuer ? Ce serait le plus sûr ! (La regardant.) Mais il me semble qu’il faut bien aimer une femme pour la tuer.

EDMÉE, éperdue.

Eh bien, il faut m’aimer Bernard !

BERNARD, troublé, posant sa carabine.

Vous aimer ? Que dites-vous là ? Savez-vous, Edmée de Mauprat, que je n’ai jamais aimé personne, moi ? Savez-vous que, si je vous aimais… Par tous les diables ! pourquoi me dites-vous qu’il faut que je vous aime ? (On entend encore la coulevrine et la mousqueterie.) Oh ! pour le coup ! on ne brûlerait pas tant de poudre pour se divertir ! Tenez, Edmée, il faut que j’y aille ; je vais vous enfermer ici, attendez-moi !

EDMÉE.

Vous attendre ? rester ici ? (Allant à la fenêtre.) Oh ! cette fenêtre est grillée ! je ne pourrai pas me jeter sur le pavé ! Une arme, Bernard ! je vous somme de me donner un moyen de me défaire de la vie [1]!

BERNARD.

Vrai ? vous auriez la force de vous tuer plutôt que de subir leurs outrages ?

EDMÉE.

Vous me méprisez donc, que vous en doutez ?

BERNARD, la regardant.

Si jeune… si belle… et si brave !…

EDMÉE, voyant le couteau de chasse à la ceinture de Bernard.

Ah ! cette arme !…

  1. C’est à cause de cette circonstance qu’il ne faut pas figurer des armes d’un usage possible dans les trophées de décor. Il est absolument nécessaire aussi qu’il n’y ait pas de couteau oublié sur les tables. Chaque convive, selon l’ancien usage rustique, se sert du sien et le remporte.