Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/63

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la notion des lois qui régissent maintenant les États. Ils t’avaient élevé comme un ancien hobereau. Tu croyais vivre au temps jadis, avoir les mêmes droits… Eh ! mon Dieu, vous vous trompiez d’époque, voilà tout. Et nous tous, monsieur de la Marche, n’avons-nous point, parmi nos ancêtres, de hauts barons dont les conquêtes nous paraîtraient fort illégales aujourd’hui ? C’est à nous de mettre autant d’honneur et de vertus dans notre vie, que ces malheureux Mauprat avaient mis d’abaissement et de vices dans la leur. Or, mes enfants, mes amis, bien que vous m’ayez vu malade et accablé d’abord par ces événements, j’ai réfléchi dans ma douleur ; j’ai prié Dieu, et j’ai relevé la tête. Je me suis dit que cette catastrophe nous imposait de nouveaux devoirs, et je les ai remplis… J’ai payé les dettes de tous les Mauprat, et j’ai racheté leur fief, mis aux enchères par les créanciers.

M. DE LA. MARCHE, regardant Bernard.

Ah ! vous avez racheté… ?

LE CHEVALIER.

Oui, monsieur ; cela retire plusieurs milliers de louis de la dot de ma fille ; mais elle est de mon avis, et dit que l’honneur vaut bien ça !

Il présente des papiers à Bernard.
M. DE LA MARCHE.

Certes ! et celui qui s’occuperait de ce qu’elle apporte en mariage ne serait pas seulement lâche, il serait aveugle.

BERNARD, qui a haussé les épaules en écoutant le compliment de M. de la Marche.

Qu’est-ce que c’est donc que ce grimoire-là, mon oncle ?

LE CHEVALIER.

Ce sont les titres de propriété de la Roche-Mauprat, que mon procureur vient de m’apporter, et qui te constituent seigneur de ce domaine.

BERNARD.

Moi ? vous me donnez ça ? Vous vous moquez ! Non, non, mes pieds ne repasseront jamais ce seuil maudit.