Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/83

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prétends avoir ce droit-là, moi, et je ne veux pas de l’amitié et des bons offices de M. de la Marche.

LE CHEVALIER.

Pourquoi le haïssez-vous ? Vous êtes absurde !

BERNARD.

Je ne souffre pas que personne me protège ; j’ai la prétention de ne rien devoir qu’à moi-même !

LE CHEVALIER.

Ayez moins d’orgueil, Bernard !

BERNARD.

Et pourquoi donc cela, s’il vous plaît ? parce que j’ai été un Mauprat de la Varenne ? Oui, oui, je dois porter éternellement la peine de mon infortune ! et, depuis vous, mon oncle, jusqu’au dernier de vos paysans, chacun ici se croit fondé à m’infliger le souvenir du passé comme une injure !

LE CHEVALIER.

C’est à moi que vous dites cela ? à moi qui ai tout fait pour vous relever à vos propres yeux et dans l’estime de tous ? Tenez, vous devenez ingrat !

BERNARD.

Mon oncle, vous m’avez imposé vos bienfaits… Mais vous ne voulez pas voir que je suis un homme… un homme qui a grandi dans des luttes violentes et qui ne sait pas mentir !… Je n’ai pas choisi ma destinée, moi, et je ne veux pas rougir de moi-même ! Injustes et cruels, les cœurs qui me feraient un crime d’être né malheureux ! (Avec intention, regardant Edmée.) Ingrats et lâches, ceux qui oublieraient certaines preuves de générosité !

LE CHEVALIER, se levant.

Que voulez-vous dire ? Expliquez-vous, je le veux !

BERNARD.

Rien, mon oncle ; vous êtes plus mal disposé pour moi aujourd’hui que de coutume ; je me retire pour ne pas vous irriter davantage.

Il sort. Le chevalier retombe accablé. À la fin de cette scène, M. Aubert est entré avec une certaine émotion.