Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/88

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En vous quittant, je n’avais pas la prétention de supplanter un rival heureux ; aujourd’hui, j’ai l’espoir de vous préserver du malheur de lui appartenir. La grâce des personnes compromises dans la sédition des francs seigneurs porte des restrictions. Certaines d’entre elles, à mon choix, seront bannies pendant un nombre d’années qu’il m’appartient de déterminer. En un mot, je tiens du roi plein pouvoir d’agir selon ma conscience.

EDMÉE.

Une sentence de bannissement, c’est une tache éternelle.

M. DE LA MARCHE.

Elle ne sera point prononcée : Bernard, averti officieusement, pourra la prévenir par son départ.

EDMÉE.

Et qui se chargera de lui porter ce coup terrible ?

M. DE LA MARCHE.

Vous ou moi.

EDMÉE.

Ne le faites pas, monsieur ! Bernard, irrité et désespéré, résistera à un avis qui le priverait de sa liberté morale. Son âme éclatera ou s’aigrira dans cette contrainte !… Non, non, ce n’est pas ainsi qu’il faut le préserver de lui-même !

M. DE LA MARCHE.

Allons, Edmée, vous le plaignez !… et moi, je vous plains ; mais je dirai comme votre père : c’est à moi de me sacrifier. Tenez ! voici la grâce… sans restriction aucune !…

EDMÉE, lui tendant la main.

Monsieur de la Marche, merci pour votre loyauté.

M. DE LA MARCHE, lui baisant la main.

Oh ! Edmée ! adieu !… Laissez-moi du moins espérer qu’un jour…