Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/168

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l’envie. Ici, nous n’avons à subir que la peine infligée à notre premier père, le changement des saisons et la nécessité de devoir notre nourriture aux fatigues de la chasse ; mais, brûlé par le soleil ou surpris par la tempête, je souris parfois en me disant : « Il n’y a point ici de flatteurs, car voilà des conseillers qui me font sentir qu’un prince est un homme, et un homme est bien peu de chose !… » Mais pourquoi pleures-tu, mon enfant ? car je sens tes larmes sur mes mains ! Mon sort t’effraye, et tu regrettes d’être venu le partager ?

ROSALINDE.

Ah ! je veux vivre près de vous, monseigneur ; ne me renvoyez pas !

JACQUES, souriant.

Gardez-le près de vous ; il vous servira bien.

LE DUC.

J’y consens ; mais qu’il me dise son nom et me montre son visage.

Rosalinde se relève. Il la regarde avec émotion. Elle n’y peut tenir et se jette dans ses bras.
ROSALINDE.

Ah ! mon père ! c’est moi !

LE DUC.

Ma fille, ma Rosalinde ! sous ce déguisement !

Surprise et mouvement général.
ROSALINDE.

La crainte de vous surprendre trop vite me l’avait fait prendre en voyage, et je n’ai pas su me faire deviner peu à peu.

LE DUC.

Que tu es belle ainsi ! Tu me rappelles les fils que j’ai perdus ! Oh ! béni soit le jour où tu m’es rendue ! Chers compagnons, permettez-nous d’épancher nos cœurs ; et vous qui partagez ma joie, réjouissez de vos gais propos ou de vos chansons capricieuses les échos de l’antique forêt !

Il remonte au fond avec sa fille, qui se met à ses genoux, les mains