Laisse-moi l’espérance que cette pensée-là ne te semblera pas toujours inadmissible. Oh ! laisse-la-moi, je t’en supplie ! Permets-moi de la dire à Anna devant toi, et, alors, peut-être consentira-t-elle à nous suivre.
Où ? Voilà la question !
Chez ma nourrice, la bonne et digue Marianne, qui, grâce à toi, a un petit bien et une jolie maison très-près d’ici ; ma mère ne pourra la tourmenter ni l’intimider. Anna y sera heureuse et protégée…
Par toi ?… À la bonne heure ! le plan n’est pas mauvais… sauf la question de mariage, plaisanterie à laquelle je ne veux nullement me prêter.
Ne dis pas que ce serait une plaisanterie ! si tu m’aimes, ne le dis pas !
Si je t’aime ? Ah çà !… tu en es donc fou, de cette fille-là ?
Oui, oui ! cent fois oui ! tu le vois bien ! je ne dors plus, je ne travaille plus, je ne vis plus ! et il y a un an que dure ce supplice !
Pauvre garçon !… j’ai connu ça !… seulement, ça ne me durait pas si longtemps ! (Haut.) Eh bien, alors… que veux-tu que j’y fasse, moi ? Tu ne peux pas compter que Marguerite consentira jamais…
Tu y consentirais donc, toi ? (Se jetant au cou de son père.) Oh ! oui, certes ! tu m’aimes, toi ! tu ne te plairais pas à me voir tant souffrir… (Il fond en lames.)
Diable ! diable !… Moi… certes, je t’aime… je t’aime