Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/325

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CAROLINE.

Tant mieux pour moi.

LA MARQUISE.

Vous êtes charmante. Vous brodez sans doute, vous faites de la tapisserie ?

CAROLINE.

Oui, madame.

LA MARQUISE.

J’ai cela en horreur : on compte des points, on s’absorbe… Me sacrifierez-vous votre aiguille ?

CAROLINE.

De grand cœur.

LA MARQUISE.

Ah ! une infirmité, en passant. Je m’endormirai quelquefois, tout en causant avec vous. Ce ne sera pas par ennui ; mais j’ai toujours le cerveau en mouvement, et, quelquefois, il s’arrête comme une montre ; il me faut alors attendre dans le sommeil qu’il veuille bien repartir ; soyez tranquille, je ne ronfle pas. Enfin, je vis ici avec mon fils le marquis ; il est d’un caractère mélancolique ; seul avec moi. Il pense tout haut ; c’est d’un bon fils, mais cela m’attriste. Devant un tiers, surtout si ce tiers est une personne de mérite, il se donne la peine d’être charmant, d’abord par politesse, et peu à peu par oubli de ses préoccupations. Ainsi, ma chère, vous nous rendrez grand service à tous les deux en ne nous laissant pas trop seuls.

Elle s’écarte un peu à gauche.
CAROLINE.

Pourtant, madame, si vous aviez à parler de choses intimes, comment le devinerais-je ?

LA MARQUISE, s’asseyant à gauche.

Je vous en avertirais en vous demandant si la pendule ne retarde pas. C’est tout ; me prenez-vous comme je suis ?

CAROLINE.

Oui, madame.